Chapitre
121. Lamentations.
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1201.
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Le souvenir des .délices (passées) cause
une félicité, grande et sans fin. L'amour est donc plus délicieux que le vin.
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1202.
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Le
souvenir de l'amant (absent) fait disparaître 'a douleur de la séparation:
voyez comme la force de l'amour, quel qu'il soit, est puissante!
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1203.
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Il me semble avoir envie d'éternuer et je
ne subis pas l'accès. Il faut donc que mon amant fasse semblant de penser à
moi et qu'en réalité, il ne pense pas à moi.
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1204.
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Il séjourne toujours dans mon cœur. Ai-je
ou non une place dans le sien ?
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1205.
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(Mon
amant) qui monte la garde autour de son cœur, pour ne pas m'y laisser entrer,
n'aura-t-il pas honte de se montrer, sans cesse, dans le mien ?
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1206.
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Je ne vis que par le souvenir de la
volupté goûtée dans notre union. A dé faut de cette ressource, par quel moyen
pourrai-je vivre?
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1207.
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Je
n'ai jamais connu l'oubli de cette volupté: si je n'y pense pas aujourd'hui,
la séparation me brûlera le cœur. Si j'oublie, ce souvenir,
comment pourrai-je ne pas mourir? |
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1208.
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Si souvent que je pense à lui, mon amant
ne s'en offense pas;
tant est puissant, l'amour qu'il m'inspire! |
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1209.
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Ma douce vie passe, à penser beaucoup à
l'inclémence de celui qui disait: "Nous deux ne sommes pas différents
(l'un de l'autre)".
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1210.
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Vive la Lune! Ne disparais pas au moins,
jusqu'à ce que mes yeux revoient celui qui s'est séparé de moi, sans quitter
mon cœur.
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Chapitre
122. Récit du songe.
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ELLE
À LA COMPAGNE
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1211.
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Quel
honneur ferai-je au songe, qui m'a apporté le message de mon amant?
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1212.
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Si je meurs, mes yeux qui, par souvenir
de la volupté passée, souffrent de l'insomnie, s'endormiront. Je
relaterai alors à mon amant que j'ai vu en songe, comment j'ai échappé à la
maladie de l'amour.
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1213.
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Ma vie se maintient, parce que je vois en
songe, mon amant, qui ne m'accorde pas ses faveurs dans la réalité.
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1214.
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Le songe me donne (toutes les
joies de) l'amour, parce qu'il va chercher et m'amène l'amant, qui me refuse
ses faveurs dans la réalité.
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1215.
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La volupté que j'ai éprouvée naguère, en
voyant en réalité mon aman,
a été identique à celle que j'ai éprouvée maintenant, en le voyant seulement en songe. |
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1216.
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Quand je dors, il est dans mes bras. A
mon réveil,
il s'empresse de rentrer dans mon cœur. |
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1217.
|
Pourquoi donc le cruel qui ne m'a jamais
accordé ses faveurs vient il tous les jours, me tourmenter en songe?
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1218.
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S'il n'y a pas une malheureuse réalité,
l'amant qui s'est uni à moi en songe, ne se séparera jamais de moi.
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1219.
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Il n'y a que celle qui ne voit pas son
amant en songe, (parce qu'elle n'en a pas) qui puisse faire grief au mien, de
ne pas m'accorder ses faveurs en réalité.
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1220.
|
Les femmes de cette ville reprochent à
mon amant de m'avoir abandonnée: Ne savent elles donc pas qu'il vient me voir
en songe?
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Chapitre
123. Jérémiades a l'approche du soir.
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1221.
|
Vive
le Jour ! Es-tu le soir qui venait précédemment? Non. Tu as été,
au contraire, le temps final qui se nourrit de la vie de celle, qui a épousé son amoureux. |
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1222.
|
Vive le soir troublé! Tu as, comme moi,
des yeux qui ont perdu l'éclat 1 Ta compagnie comme la mienne, a-t-elle donc
la propriété d'être sans pité? Dis-le.
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1223.
|
Jadis (alors que mon mari m'embrassait),
le soir venait en tremblant et en pâlissant. Maintenant que j'ai la vie en
dégoût, et que ma douleur augmente, il empiète de plus en plus sur le jour.
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1224.
|
Le soir (qui venait revivifier ma vie,
lorsque mon mari était présent),
vient, maintenant que mon mari est absent, comme le bourreau, sur le lieu d'exécution, (pour enlever ma vie). |
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1225.
|
Quel est le bien que j'ai fait au matin
et quel est le mal que j'ai fait au soir ?
|
|
|
1226.
|
Je ne savais pas, avant le départ de mon
mari, que le soir (qui m'a causé tant de joie pendant la présence de ce
dernier et qui m'a causé tant de mal depuis sa
séparation) fait souffrir.
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|
1227.
|
Cette maladie (d'amour) éclôt le matin,
se développe pendant le jour et s'épanouit le soir.
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1228.
|
Le chalumeau du berger (qui m'a tant
charmé) s'est transformé en feu qui brûle, s'est fait le messager du soir et
est devenu l'arme qui me tue.
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1229.
|
A l'approche du soir (c'était moi qui,
ci-devant me troublais et souffrais), désormais, lorsque le soir viendra,
toute cette ville, qui le verra, troublera et en souffrira.
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1230.
|
Ma vie, qui ne s'en est pas allée
jusqu'ici, en raison de la séparation, s'éteindra en ce soir mélancolique, en
pensant à celui qui considère l'avantage de la richesse, comme le sien
propre.
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Chapitre
124. Les membres perdent leur beauté.
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|
ELLE
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1231.
|
C'est
moi qui souffre de cette séparation; cependant, mes yeux, à force de
(pleurer) pensant à celui qui est parti au loin, (ont perdu leur éclat et)
ont rougi devant les fleurs odoriférantes, qui rougissaient devant eux.
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1232.
|
Les
yeux qui pâlissent et versent des larmes semblent révéler aux autres,
l'inclémence du bien-aimé.
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1233.
|
Les bras qui se sont enflés (par excès de
joie) le jour des noces, s'étiolent maintenant, comme pour révéler avec
force, à tous la séparation.
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1234.
|
Les bras qui ont perdu par la séparation,
(non seulement la beauté artificielle qu'ils ont obtenue, grâce à lui, mais
aussi, leur beauté naturelle, ont encore perdu leur majesté, au point que les
bracelets d'or tournent autour d'eux.
|
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1235.
|
(La matin et le soir se présentent
maintenant, dans des conditions autres que celles, dans les quelles ils
venaient, lorsque mon mari était avec moi). Les bras qui ont perdu leur
beauté naturelle, ensemble avec les bracelets qui tournent, proclament
l'impitoyable rigueur du cruel.
|
|
|
1236.
|
Je supporte ma douleur, mais mes bras ne
m'obeéssent pas, ils s'amincissent et laissent
tourner les bracelets; je souffre intérieurement encore davantage, lorsque je
t'entends lui reprocher toujours, à leur vue, sa cruauté.
|
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1237.
|
O mon cœur ! Ne peux-tu pas acquérir la
gloire, en disant à mon cruel mari, le bruit que fait (en ville) le
dépérissement de mes bras?
|
|
LUI
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1238.
|
Un jour que je l'embrassais fort, j'ai
desserré un peu les bras pour ne pas lui faire da mal. Le front de cette
femme ingénue qui porte des bracelets verts a pâli, ne pouvant souffrir ce
geste. Que sera-t-il devenu,
pendant toute cette séparation? |
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|
1239.
|
Par suite de ce relâchement, un léger
courant d'air s'est glissé entre les corps; (ne pouvant supporter ce courant
d'air), les grands yeux frais de cette femme imgenue
ont pâli. (Comment ont-ils pu supporter tous ces obstacles: tels que forêts, collins et villes)?
|
|
|
1240.
|
Ont-ils seulement pâli
ces yeux? Ayant aperçu la pâleur du beau front,
ils en ont souffert aussi. |
Chapitre
125. Interpellation
au cœur.
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1241.
|
O
mon cœur ! Ne découvriras-tu pas et ne me diras-tu pas un remède,
quoiqu'il puisse être, à cette maladie incurable? |
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|
1242.
|
Vive
mon cœur! Ton ignorance n'est-elle pas la cause de ce que tu te plains de son
indifférence et de ce que tu t'attristes de ne pas le voir revenir ?
|
|
|
1243.
|
O mon cœur! (tu ne vas pas à lui et tu ne
meurs pas ici), tu restes et pourquoi souffres tu en pensant à lui?
Moi, je n'aurai jamais pitié de celui qui m'a causé cette douleur et je ne
penserai pas à lui.
|
|
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1244.
|
O mon cœur ! (si tu veux aller à lui)
amène avec toi ces yeux.
Sinon ils me tortureront afin de se le faire montrer. |
|
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1245.
|
O mon cœur ! Nous le désirons, lui
est indifférent. Y a-t-il pour nous un moyen de l'abandonner, parce qu'il
nous a dédaignés?
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|
|
1246.
|
O mon cœur 1 ( (si
je me fâche ) il a le pouvoir de faire disparaître
ma colère, en s'unissant à moi. Si tu le vois, tu no peux même pas feindre
d'abord la colère, pour te réconcilier ensuite avec
lui. C'est donc à faux que tu lui reproches sa cruauté.
|
|
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1247.
|
O mon bon cœur! Renonce ou bien à ton
amour ou bien à ta honte. Je ne suis pas en état de les supporter à la fois,
tous les deux.
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1248.
|
Tu as pensé que, s'il ne m'a pas accordé
ses faveurs, par pitié pour ma douleur, c'a été parce qu'il ignorait que je
ne pouvais pas supporter ma douleur et tu t'es précipité derrière lui pour
lui en faire part! Tu es un niais, mon cœur!
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1249.
|
Mon amant a demeuré en toi-même. Tu le
sais mon cœur !
Auprès de qui donc vas-tu le chercher maintenant ? |
|
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1250.
|
Il m'a abandonnée pour un pas
s'unir à moi. Si je le conserve encore dans mon cœur, (outre la beauté
extérieure que j'ai perdue) je perdrai encore ma beauté intérieure.
|
Chapitre
126. Divulgation du aecret
d'amour.
|
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1251.
|
La
hache de l'amour brise la targette qu'est la pudeur, la quelle ferme la porte
connue sous le nom de secret d'amour.
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|
1252.
|
Quelque
chose gouverne mon cœur en l'opprimant, même à minuit (où tout le monde se
repose) ce quelque chose est l'amour: il est donc aveugle.
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1253.
|
Je pense cacher mon amour dans mon for
intérieur : mais il n'obéit pas à ma volonté et se manifeste au dehors, comme
l'éternuement.
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|
1254.
|
Hélas 1 Jusque maintenant, j'étais
convaincue que je gardais bien le secret de mon mal d'amour. Mais
aujourd'hui, mon amour déchirant tout voile, s'est produit en public.
|
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|
1255.
|
La dignité, qui consiste à ne pas courir
derrière l'amant qui a abandonné,
n'est pas connue de celles, qui sont atteintes du mal d'amour. |
|
|
1256.
|
De quelle nature est donc la douleur qui
me torture et qui m'entraîne à poursuivre l'amant, qui m'a
abandonnée? Elle est bien bonne!
|
|
|
1257.
|
J'étais loin de connaître la honte, tant
que mon amant m'a accordé par amour, toutes les satisfactions que j'ai
désirées.
|
|
|
1258.
|
L'arme, qui détruit la fortresse de notre secret d'amour, n'est-elle pas les
paroles doucereuses du voleur, qui a le talent do dire plusieurs mensonges?
|
|
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1259.
|
(Lorsqu'il est arrivé), résolue à le
bouder, je l'ai fui. Mais j'ai senti que mon cœur commençait à s'unir à
lui: aussi l'ai-je embrassé.
|
|
|
1260.
|
Celles dont le cœur fond à la vue
de leur amant, comme le suif dans le feu, peuvent-elles seulement avoir
la pensée de bouder d'abord,
et de s'unir ensuite? |
Chapitre
127. Avidité de se rencontrer.
|
|
|
ELLE
|
1261.
|
Mes doigts se sont usés à compter les
jours que j'ai marqués sur la muraille, depuis sa séparation ; mes yeux ont
perdu leur éclat et se sont affaiblis, en regardant le chemin par où il doit
revenir.
|
|
ELLE
À LA COMPAGNE
|
1262.
|
Femme
chargée de bijoux brillants! Si j'oublie aujourd'hui
mon amant, la beauté m'abandonnera dans la naissance future et mes bras
s'aminciront, au point de laisser les bracelets se détacher d'eux.
|
|
|
1263.
|
Avide de conquêtes (et non de volupté),
il est parti en dédaignant ma compagnie, avec pour toute compagne, son ardeur
belliqueuse et moi je vis encore ici par le désir de son retour.
|
|
|
1264.
|
Mon cœur se gonfle de joie, à la pensée
que celui qui m'a abandonnée me reviendra avec tout son amour.
|
|
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1265.
|
Il faut que je revoie mon mari pour
consoler mes yeux! Une fois que je l'aurai revu, la pâleur disparaîtra de mes
bras délicats.
|
|
|
1266.
|
Que mon amri me
revienne seulement un Jour! Je serai quitte avec cette maladie, qui me fait
tant souffrir, et je jouirai alors de la volupté,
par mes cinq sens. |
|
|
1267.
|
Au retour de l'ami, qui m'est aussi
précieux que la prunelle des yeux, le bouderai-je? ou
l’embrasserai-je? ou bien ferai-je les deux (gestes)?
|
|
LUI
|
1268.
|
Que le Roi engage la bataille et remporte
la victoire! J'irai, moi aussi,
rejoindre ma femme et nous nous régalerons le soir. |
|
|
1269.
|
A celles, qui attendent anxieusement le
jour annoncé pour le retour de celui qui est parti au loin, un jour parait
comme sept.
|
|
|
1270.
|
De quelle utilité seront l'attente du
retour, le retour même et le baiser,
si la bien aimée meurt auparavant, ayant le cœur brise? |
Chapitre
128. Sens des indices.
|
|
|
LUI
A ELLE
|
1271.
|
Tu as beau le cacher! Enfreignant tes
désirs tes yeux peints me révèlent quelque chose.
|
|
LUI
À LA COMPAGNE
|
1272.
|
Ta Dame a une ingénuité plus Prononcée
que celle naturelle aux femmes,
elle dont la beauté remplit mes yeux et dont les bras ressemblent à une tige de bambou. |
|
|
1273.
|
De même que le fil apparaît à .travers
les grains de verre qu'il relie, il y a un indice qui apparaît dans la beauté
de cette jeune fille.
|
|
|
1274.
|
Semblable au parfum enfermé dans le
bouton de fleur,
il y a un indice révélateur dans le rire de ta naïve Dame. |
|
|
1275.
|
Se basant sur une séparation, qui n'est
pas dans ma pensée, celle qui a des bracelets serrés garde un secret qu'elle
me cache. L'indice de ce secret possède la vertu de guérir mon incurable
douleur. (Révèle-le moi).
|
|
ELLE À LA COMPAGNE |
1276.
|
Le retour de mon amant a grandement
adouci ma douleur; mais son union, qui me donne la volupté, tout en calmant
ma souffrance, me rappelle cependant sa froideur.
|
|
|
1277.
|
Ces bracelets ont deviné avant moi (qui
connais cependant le sens des signes) la froideur de celui qui a décidé la
séparation dans son cœur.
|
|
|
1278.
|
Ce n'est qu'hier que
mon amant est parti Cependant la pâleur de mon corps date de sept
jours.
|
|
LA COMPAGNE À LUI
|
1279.
|
Elle a d'abord regardé ses bracelets
(pour signifier que la séparation ne les laissera pas rester serrés), puis
ses bras délicats (pour dire qu'ils s'aminciront aussi et pour vous prier de
ne pas laisser ces événements se produire par votre départ), enfin ses pieds
Tel est le signe qu'elle m'a fait.
|
|
LUI À LA COMPAGNE
|
1280.
|
No pas communiquer par paroles même à sa
compagne, son mal d'amour, mais le lui indiquer par ses yeux; ne pas prier
son amant de ne pas lui causer de douleur par sa séparation, mais regarder
ses pieds, pour lui signifier qu'elle veut l'accompagner:
faire montre d'une féminité plus délicate que celle naturelle aux femmes.
|
Chapitre
129. Impatience de s'unir.
|
|
|
ELLA
A LA COMPAGNE
|
1281.
|
S'exalter
rien qu'à y penser et se ravr après s'être vus
n'appartiennent pas aux ivrognes mais seulement aux amoureux.
|
|
|
1282.
|
Lorsque l'amour envahit (intensément) une
femme dans la proportion d'un palmier, il ne lui faut pas bouder (si peu que
ce soit) dans la proportion d'un grain de millet.
|
|
|
1283.
|
Bien qu'ils fassent ce qui leur plait,
sans faire cas de moi,
mes yeux ne connaissent pas le repos, sans le voir. |
|
|
1284.
|
Mon amie! J'ai boudé mon aimé avant de le
voir; mais mon cœur (dès qu'il l'a vu,) a oublié (ce sentiment) et n'a songé
qu’à s'unir à lui.
|
|
|
1285.
|
De même qu'en écrivant, l'œil ne voit pas
la nature de la plume,
je ne vois pas la faute de mon mari, dès que je l'aperçois. |
|
|
1286.
|
Lorsque je le vois. je ne vois pas ses
défauts, mais lorsque je ne le vois pas,
je ne vois rien en lui qui ne soit un défaut. |
|
|
1287.
|
A
quoi bon d'imiter celui qui s'élance dans un courrant. sachant qu'il sera
emporté par lui! A quoi bon de bouder, sachant que je ne peux
persister jusqu'au bout dans ma bouderie ?
|
|
LA
COMPAGNE À LUI
|
1288.
|
Voleur! Ta poitrine ressemble au vin qui
est désiré par celui qui prend plaisir à le boire, bien qu'il ne lui cause
rien qui ne le conduise à la honte!
|
|
LUI
|
1289.
|
L'amour est plus délicat que la fleur.
Bien peu nombreux sont ceux qui en jouissent, sachant sa délicatesse.
|
|
|
1290.
|
Mon amante m'a boudé des yeux seulement,
mais dans l'union, elle a montré plus d’empressement que moi-même, (ce n’est
donc pas elle,
celle qui me résiste avec tant d'acharnement!) |
Chapitre
130. Reproches adressés au cœur.
|
|
|
ELLE
|
1291.
|
O
mon cœur! tu vois combien son cœur épouse son indifférence, lorsqu'il ne
pense pas à moi. Pourquoi donc toi seul n’es-tu pas pour moi?
|
|
|
1292.
|
O mon cœur! tu es bien convaincu de son
indifférence à notre égard. Cependant tu t'inclines vers lui, dans la
croyance qu'il ne se fâchera pas.
Y a-t-il une sottise plus grosse que celle-ci ? |
|
|
1293.
|
Est-ce parce que tu penses que les
infortunés n'ont pas de bienfaiteurs en ce monde, que tu le suis comme tu
désires?
|
|
|
1294.
|
(Tu ne songes qu'à te réjouir dès que tu
le vois). O mon cœur! tu ne considères pas ses torts, tu ne songes pas à le
bouder, dans la mesure du possible,
et à t'unir ensuite à lui. Qui donc peut compter sur toi? |
|
|
1295.
|
Toutes les fois qu'il n'est pas près de
moi, mon cœur a peur qu'il ne vienne pas. Toutes les fois qu'il est avec moi,
il a peur qu'il ne se sépare de moi.
Ainsi il n'y a pas de fin à la douleur de mon cœur! |
|
|
1296.
|
Mou cœur est resté ici. Pourquoi? Pour me
torturer, lorsque seule,
je réfléchissais aux cruautés de mon mari. |
|
|
1297.
|
De concert avec mon cœur insensé, qui n'a
pas même la dignité d'oublier celui qui l'a oublié, j'ai oublié moi-mêm ma propre dignité plus précieuse que la vie.
|
|
|
1298.
|
Mon cœur avide de vivre, croyant que
c'est un déshonneur de mépriser celui qui noua a méprisés,
pense toujours à sa constance.
|
|
|
1299.
|
Qui donc nous aidera, si le cœur, dont la
fonction naturelle est d’aider la guérison de la douleur qui nous atteint, ne
nous aide pas?
|
|
|
1300.
|
Du momment que
le cœur, notre soutien naturel, ne reste pas nôtre, n’est-il pas aisé aux
étrangers de ne pas devenir notre (soutien)?
|
Chapitre
131. De la bouderie.
|
|
|
LA
COMPAGNE A ELLE
|
1301.
|
Contemplons un instant le chagrin
qu’il va enduresr.
Au lieu de t’empresser de l’embrasser, boude-le. |
|
|
1302.
|
La
bouderie est le sel de l’amour. La laisser trop durer équivaut à trop saler
la nourriture.
|
|
ELLE
|
1303.
|
Ne pas embrasser celle qui boude équivaut
à rendre plus cuisante la douleur de ceux qui souffrent.
|
|
|
1304.
|
Ne pas se concilier avec celle qui boude
et ne pas s’unir ensuite à elle, équivalent à couper par les racines la
liane, qui dépérit faute d'eau.
LUI
EN SOI-MEME
|
|
|
1305.
|
La beauté des amants, qui sont doués de
bonnes qualités, n eat-elle pas l'excès du
mécontentement qui pointe dans la cœur des femmes dont les yeux ressemblent
aux fleurs?
|
|
|
1306.
|
S'il n'y a ni froncement de sourcils ni
dépit chez l'amante, l'amour ressemble aux fruits trop murs et aux fruits
trop verts.
|
|
|
1307.
|
Douter de la longue ou de la courte durée
de l’union, introduit la douleur dans la bouderie, qui est cependant in
dispensable à la volupté.
LUI
A ELLE
|
|
|
1308.
|
A’quoi bon de souffrir si l'on n'a pas un
amant pouvant comprendre la douleur de l'amante qui a souffert à cause de lui
?
|
|
|
1309.
|
L'eau (qui est nécessaire à
la vie) n'est délicieuse qu'à l'ombre; de même la bouderie (qui est
nécessaire à l'union) n'est délicieuse que pour les amoureux.
|
1310.
|
Pourquoi mon cœur ne fait-il pas cas de
la bouderie? Pourquoi s'efforce-t-il de s'unir a celle-qu'il
sait capable de le rejeter? Par la passion.
|
Chapitre
132. Finesse de la bouderie.
|
|
|
ELLE
A LUI
|
1311.
|
O amant des prostituées l Tous les êtres,
qui ont la nature féminine,
te dévorent des yeux! Je n'étreindrai pas ta poitrine avilie.
ELLE A LA COMPAGNE
|
|
|
1312.
|
Je boudais. Il a éternué, pensant que je
cesserai ma bouderie et que je lui dirais. "Soyons unis pour longtemps!"
LUI
A LA COMPAGNE
|
|
|
1313.
|
J’ai porté une guirlande de fleurs. Elle
a prétendu que je la portais pour la montrer à une amante et elle (voulant
dire que noua nous aimions plus que n'importe quels autres deux
amoureux) s'est fâchée.
|
|
|
1314.
|
Je lui ait dit
que nous nous aimions plus que les autres. Mais (ta patronne) se méprenant
sur le sens de ma parole s’est refrognée tout de suite, disant: "Qui
tous? Qui tous?"
|
|
|
1315.
|
Je lui ai dit (par excès d'amour) que je
ne me séparerais pas d'elle dans cette existence. (Croyant que je projetais
notre séparation dans l'autre existance), ses yeux
se sont remplis de larmes.
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1316.
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J'ai pensé à toi, lui ai-je dit,
(en bref, au lieu de dire: ‘’je n ai Jamais cessé de penser à toi.’’) Croyant que, du moment que je disais que j’avais
pensé à elle, je l'avais oubliée un moment) elle s'est écriée: "Vous m'avez donc oubliée"! Elle, qui allait m'embraser, m’a boudé
aussitôt.
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1317.
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J'ai éternué : elle m'a félicité. (Les
hindous croient que seul éternué celui au quel pense un ami absent). Puis
revenant sur ses sentiments elle m'a demandé;" qui donc de vos amantes a
pensé à vous pour que vous ayez éternué? " et elle s'est mise à pleurer.
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1318.
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J'ai contenu mon éternuement,
(pour ne pas encourir sa colère). C'est pour me cacher que quelque amante a
pensé à vous que vous avez fait ce geste, m'a-t-elle dit et elle a pleuré.
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1319.
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Je lui adresse des prières pour lui faire
cesser sa bouderie. Elle me répond. "C'est
ainsi que vous avez l'habitude de cajoler vos autres amantes''.
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1320.
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Suis-je en extase devant sa beauté? Elle
me boude encore, disant "à la beauté de quelle amante venez-vous
de comparer la mienne"?
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Chapitre
133. Charme de la bouderie.
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ELLE
A LA COMPAGNE
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1321.
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Je n'ai rien à lui reprocher. Je le boude
cependant, parce que seule la bouderie me procure la volupté de ses caresses.
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1322.
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Par le petit chagrin qua lui cause ma
bouderie, la tendresse de mon amant retarde bien un peu, mais elle n'a ensuite que plus de charme.
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1323.
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Y a-t-il un monde céleste (qui cause
autant de délice) autre que la bouderie, pour ceux qui vivent en parfaite
union, comme l'eau avec la terre?
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1324.
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L'arme, qui brise mon cœur désireux de
l'union, est renfermée dans son étreinte, qui l'aide a
ne pas se séparer de moi.
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1325.
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Il y a un charme particulier qui se fait
sentir, lorsqu'un amant, qui n'a rien à se reprocher, ne peut cependant pas
enlacer les bras délicats de l'amante tant convoitée.
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1326.
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Digérer cause plus de charme que se
nourrir; la bouderie cause plus de charme à l'amour que l'union.
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1327.
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Dans la bouderie des amoureux, il y en a
un qui a le dessous:
c'est le véritable vainqueur. Il ne s'en aperçoit pas sur le moment, mais seulement lors de l'union. |
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1328.
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La sueur, qui perle sur son front, a-t
elle le pouvoir de me procurer, une seconde fois, la volupté de l'union,
grâce à sa bouderie ?
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1329.
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Que
celle qui est parée d'étincelants bijoux me boude ! Il faut seulement que la
nuit se prolonge, pour me permettre de mendier ses bonnes grâces et d'avoir
raison de sa bouderie.
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1330.
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Le charme de l'amour, c'est la bouderie.
Le charme de la bouderie, c'est l'union.
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